10 février 2016

Affaire Zuma

Publié le 09-02-2016 •
Le président sud-africain Jacob Zuma joue très gros,
ce mardi 9 février, alors que la Cour
constitutionnelle se penche sur le scandale
Nkandla. Le chef de l’Etat est soupçonné d’avoir
utilisé 15 millions d’euros d'argent public pour
rénover sa résidence privé. L'affaire empoisonne la
vie politique du pays depuis plusieurs années.
C’est une journée cruciale qui s’annonce pour le président sud-africain
Jacob Zuma. La plus haute cour du pays, la Cour constitutionnelle, doit examiner à
partir de ce mardi 9 février une plainte à son encontre. Elle porte sur l'utilisation
d'argent public pour la rénovation de sa résidence privée, connue sous le nom de
Nkandla.
Cette plainte a été déposée par plusieurs partis d'opposition. L'affaire, qui
empoisonne la vie politique depuis plusieurs années, touche à son terme puisqu’il ne
pourra pas y avoir de nouveaux recours après la décision de la Cour constitutionnelle.
L'étau se resserre autour du chef de l'Etat. Ce scandale concerne tout de même la
somme de 15 millions d’euros. Officiellement, il s'agit de travaux visant à améliorer la
sécurité du lieu. Mais l'argent a également servi à la construction d'une piscine, d'un
amphithéâtre, d'un poulailler...
La piscine n’en était pas une ?
La première plainte a été déposée il y a quelques années auprès de la médiatrice
de la République, chargée de veiller sur l'utilisation de l'argent public. Et il y a
deux ans, celle-ci a conclu qu'il y avait eu abus de fonds publics, que le président
n'était pas nécessairement à l'origine ou au courant des travaux, mais qu'il devrait
toutefois rembourser une partie de l'argent.
Et depuis, l’affaire s’est transformée en bagarre entre l'opposition d'un côté et le
gouvernement ainsi que le parti au pouvoir, l'ANC, de l'autre. Jusqu'à présent, Jacob
Zuma a toujours affirmé qu'il ne rembourserait pas, qu'il n'avait pas demandé ces
travaux et qu'il n'était pas au courant pour la piscine.
D'ailleurs, le gouvernement continue de maintenir qu'il s'agit de travaux sécuritaires.
Les médias ont même eu droit à une présentation surréaliste du ministre de la Police
expliquant que la piscine n'en est pas une, mais qu’il s’agit en réalité d’un bassin de
rétention d'eau en cas d'incendie.
Et puis, le gouvernement ajoute que les observations de la médiatrice de la
République ne sont que des recommandations et que le chef de l'Etat n'est pas obligé
d'obtempérer. C'est là le nœud du problème : le président doit-il légalement se
soumettre à ces conclusions ? C'est ce que va examiner mardi la Cour
constitutionnelle. Le verdict ne devrait pas être rendu dans la journée, les discussions
risquent de durer plusieurs semaines voire même plusieurs mois.
Volte-face du président
Entretemps, Jacob Zuma a déjà commencé à faire marche arrière en indiquant
qu’il était prêt à rembourser une partie de l'argent. Dans un communiqué, la
présidence a fait savoir qu’il souhaitait trouver un compromis avec les plaignants.
Ses avocats l’ont très probablement prévenu qu'il risquait de perdre et d’être obligé de
rembourser. Ainsi, pour éviter une humiliation, il valait mieux pour le chef de l’Etat
tenter de trouver une solution à l'amiable. « Oui, le président a dit qu'il ne
rembourserait pas l'argent, mais il a expliqué pourquoi. Premièrement parce que
personne, ni la médiatrice ni qui que ce soit d'autre, n'a spécifié quelle somme il
devait rembourser. Deuxièmement, il a également dit que ce n'est pas à lui de
déterminer le prix des travaux liés à sa sécurité », argumente Michael Hulley, le
conseiller juridique du président, pour expliquer cette volte-face.
La proposition de M. Zuma a été rejetée par les deux partis en question,
les Combattants pour la liberté économique de Julius Malema et l'Alliance
démocratique. Il s'agit des deux plus importantes formations d'opposition,
déterminées à aller jusqu'au bout. Un troisième acteur s'est associé à cette plainte
lundi, Corruption Watch, une organisation anticorruption. Car les enjeux vont bien
au-delà de l'affaire Nkandla. Derrière ce scandale, ce sont les pouvoirs de la
médiatrice de la République qui sont en jeu.
« Notre argumentation ne porte pas sur Nkandla, mais plutôt sur l'interprétation que
fait la Constitution des pouvoirs de la médiatrice de la République, expose David
Lewis, directeur de Corruption Watch. Si la Cour décide que les conclusions de cette
médiatrice doivent être appliquées à la lettre, le gouvernement va devoir non
seulement rembourser l'argent dans le cadre de Nkandla, mais va également devoir
respecter toutes ses décisions dans d'autres affaires. »
On ne voit pas trop comment Jacob Zuma va pouvoir s'en sortir. Sa seule marche de
manœuvre consiste à essayer de faire traîner la décision de justice. L’affaire est
extrêmement embarrassante pour lui ainsi que pour son parti, surtout à quelques d'elections locales.

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