24 janvier 2024

La borlette : de simple loterie populaire vers un phénomène imposant



Jouée par toutes catégories de personnes, cette forme de loterie se pratique depuis des décennies dans le pays au point de parvenir au seuil d'une activité à grandes échelles économique et culturelle. La borlette, aujourd’hui, est partout en Ayiti. Jeu très populaire, subterfuge, en plus d'être un phénomène sociétal, c'est aussi un centre de grands intérêts…

Considérée comme l'une des activités les plus populaires en Ayiti, la borlette s'est implantée dans l’imaginaire collectif. La pratique de cette loterie va même au-delà des attentes. Si d'une part, certains hésitent encore à ne pas s'adonner au jeu pour de multiples raisons, d'autre part, nombreux sont ceux qui voient les choses différemment et préfèrent même faire leurs mises à partir de rêves, de boules chance ; en fait ils jouent après avoir rêvé et de là, espèrent.

Pour sa pérennisation et de fait sa structure, des institutions, des acteurs interviennent à ce marché. C’est le cas pour la Loterie de l'État haïtien, en tant qu'institution, qui intervient pour réguler, fixer les balises, encadrer les jeux de loterie qui sont pratiqués sur le territoire national.
Ayant un regard soutenu sur la borlette-jeu de hasard ayant de multiples tentacules- ces
dernières années la loterie de l’État haïtien, se donne pour obligation de consentir des efforts majeurs afin d’empêcher la commission d'un ensemble d'infractions qui sont dans le viseur de certaines organisations transnationales. À cet effet, l’institution entend continuer d'œuvrer pour la bonne marche de la loterie et permettre aux gens d'être plus en confiance tout en leur évitant bon nombre de désagréments.

Aujourd’hui en Ayiti, la borlette s’est fait une place considérable dans le train-train de plusieurs millions de gens, c'est même une ligne incontournable pour plus d'un. Des plus démunis aux plus capables, ce jeu ne cesse d'attirer l'attention et du coup, de conquérir des cœurs. Certains amateurs arrivent même à témoigner de tout ce dont ils arrivent à réaliser en ne jouant que tout simplement à la loterie. Les plus chanceux, comme ils se surnomment, gagnent parfois des sommes vertigineuses, montants qu'ils n'auraient sûrement jamais acquis même en
économisant plusieurs années de salaire.
En dépit des différentes crises auxquelles le pays fait face depuis plusieurs années, et qui ont de graves conséquences sur le plan économique sur les communautés, jusqu’à ralentir certaines activités dans leur élan, la loterie populaire d'Ayiti ne cesse de faire des disciples. Bien au contraire, les mises multiplient, les rêves peut-être, n'en discutons pas à propos d’espoir.

Bien qu'il faille peser le pour et le contre du jeu, d'ailleurs tout naturellement c'est la loi de la vie, il semble qu'à bien des égards la borlette sort victorieuse sur de nombreux terrains. Qu'il soit la lutte contre le chômage en employant plus de personnes ou de permettre à davantage de gens de prendre de l’essor à partir de leurs gains, la borlette se révèle comme étant un atout de grande envergure, surtout à ceux qui savent oser dans la vie ; certains diront ceux qui partent de rien ou de peu, sortent pleins jusqu’aux as, grâce à une loto.
En tout cas, la loterie reste avant tout un jeu, un jeu de hasard. Un choix, peut-on dire. Une
boule chance obtenue à partir d'un rêve ou d'un simple exercice de probabilité, ça reste un jeu au sens littéral du terme. Il revient par ailleurs de comprendre mais aussi de ne point nier tout ce qui rentre en ligne de compte en étant acteurs, amateurs ou simples observateurs de borlette dans le pays. Socialement ou économiquement la borlette a son pesant d'or, encore elle représente déjà mieux sur le plan culturel.
La simplicité du jeu se comprend en effet, comme on peut le projeter, comme un court processus entamé par quelqu'un qui se présente à une boutique et achète du pain. À la différence du tirage qui n'est pas connu d'avance, ce qui fait d'ailleurs la beauté du jeu. Mais une fois le nombre joué est dans le tirage, les autres étapes ne sont que du vent. Pas de démarches difficiles ou de labyrinthe à défier pour jouer une boule à laquelle on a préalablement réfléchie, ce n'est qu'une affaire de temps et de choix de là où on veut faire sa fiche.

Une fois au bout du tunnel, il n'est que d’attendre et d’espérer. Avec un peu de chance de son côté, c'est probablement la seule façon de se coucher sans pourtant avoir un sous dans la poche et se réveiller avec une fiche ou un reçu qui prouve qu'on a des milliers voire des millions de gourdes à récupérer. C'est le hasard, mais qui a un prix quand même.
C’est une démarche qui va si loin au point que selon ce que disent les gens, ce qui est
carrément un secret de polichinelle, pour gagner à la loterie des gens vont chez des prêtes vaudou -les hougans, mambos- au prix de sacrifices pour acheter leurs boules chance. Des conditions s'imposent, à ce que les rumeurs disent. Certains vont de préférence prier les Saints, après des heures voire des jours de jeûne, ils sont confiants qu'ils auront leur boules chances.
Il est un constat clair, même s'il ne faut pas le généraliser, l'argent gagné à la borlette semble retourner d'où il provient. Très souvent, le gagnant d'une loto, à force de rejouer en espérant gagner plus dépense son gain et même plus. Sans omettre les autres dépenses presqu'inutiles soit pour le plaisir démesuré et autres. En tout cas, plus d'un dit qu’on n'a pas cette culture d’investir. On préfère le plus souvent dépenser.

Dans le couloir de la chance, on a pour boussole l'espoir de gagner, d’être celui ou celle qui a dans sa pochette le nombre qui fera le gros lot au plus proche tirage. Avec cet espoir ou cette croyance, on vit et supporte la pauvreté, on rêve que cela change pour soi et pour sa famille, mais il n'est que d’attendre.
Au tirage, si on est gagnant on sourit. Si on perd, on est déçu, parfois on a le regret, n'empêche qu’aux prochaines heures on se présente chez le même vendeur pour acheter ses nombres.

C'est un cercle vicieux, plus on est dedans, moins on n'a la chance de s’en détacher.
Cette loterie populaire d'Ayiti cache bien des secrets qui, peut-être, ne seront jamais dévoilés au grand jour, c'est devenu un phénomène sociétal qui, de surcroît, dépasse l'imagination de ceux-là même qui gagnent leur vie dans le secteur. La borlette, entre simple jeu de hasard et facteur de chance, est peut-être à des années lumière de ce qu’on voit et comprend du phénomène, dans le pays.


Yves Junior BAPTISTE, travailleur social
yvesjuniorbaptiste@gmail.com


03 janvier 2024

LA LUMIÈRE VIENT DU SUD-EST


Avec la prédominance du patriarcat de par le monde et dans la société haïtienne, les droits des femmes sont systématiquement bafoués. Force est de constater que même leurs droits les plus basiques ne sont pas respectés. Du coup, la scolarisation des filles représente un défi majeur auquel fait face aujourd’hui encore le système éducatif haïtien. Bien que ce temps ne soit pas totalement révolu, certaines femmes ont tout de même réussi à se tailler une place au sein de l’intelligentsia haïtienne.

Installée rectrice de l’Université Publique du Sud-Est / Jacmel (UPSEJ) le 21 décembre 2023, Magdala Jean-Baptiste a dû, d’une part, repousser toutes les limites imposées aux femmes haïtiennes, d’autre part elle a également brisé les barrières dressées par un ordre politique rétif au progrès, à l’émancipation des femmes. Avec son mandat de quatre ans, la nouvelle rectrice aura la charge de redresser la barre d’une université en proie à des problèmes de divers ordres.

Après avoir décroché sa licence en sciences de l’éducation à l’Université Quisqueya, Madame Jean-Baptiste a poursuivi ses études et réalisé des stages de perfectionnement dans des universités nord-américaines et françaises. Elle a aussi été vice-rectrice de l’Université Publique des Nippes.


Cette prise de fonction peut être perçue comme une victoire sous une triple dimension :

- Primo, c’est la victoire de la femme paysanne à qui on colle généralement une étiquette femme inculte, épistémophobe. C’est la victoire des Lea Kokoye.

- Secundo, c’est le résultat du travail acharné et du dévouement sans faille. Originaire de Brésilienne*, Magdala devait emprunter près de quarante (40) kilomètres à pieds à la quête du pain de l’instruction pendant de longues années chez les Sœurs Saint-Paul à La Vallée de Jacmel. Cette abnégation l’a amenée jusqu’à décrocher son doctorat (Ph. D) dans la gestion des systèmes éducatifs à l’Institut des Sciences, des Technologies et des Études Avancées en Haïti (ISTEAH).

- Tercio, comme le veut la tradition politique de chez nous, pour occuper une fonction aussi prestigieuse, on devrait avoir la bénédiction d’acteurs politiques. Cette situation est davantage accrue dans les régions. Advienne que pourra, Docteur Jean-Baptiste n’a de redevance envers aucun politicien du Sud-Est en ce sens qu’elle n’avait pas besoin de leur support et/ou approbation pour prendre la tête de l’UPSEJ.


Magdala Jean-Baptiste rentre dans l’histoire nationale comme la première femme à avoir occupé la fonction de rectrice d'une université publique. Elle a ainsi déjoué tous les pronostics, et a redoré l’image de la femme haïtienne trop longtemps réduite à sa plus simple expression.


En indiquant la voie aux petites filles, aux fils de paysans, à toutes celles et tous ceux d’origine modeste, Magdala Jean-Baptiste tient le flambeau qui éclaire le chemin vers de nouveaux horizons visant à guider une jeunesse sans repère.



*Brésilienne est la première section communale de Bainet, située à près de 20 kilomètres de la commune de La Vallée de Jacmel.



Ourdy DESSOURCES,

odessources@yahoo.com

LIRE HAÏTI, 03 janvier 2024

OUVRONS LES YEUX, C'EST UN COMPLOT

Le quartier de Vivy Michel est à feu et à sang. Les bandits y sont retournés semer le deuil et le chaos ce jeudi. Vivy Michel, c’est le quar...