La nomination, dans le cadre de la politique de réorganisation des lycées et écoles publics initiée par le gouvernement Salomon, d'Argentine Bellegarde-Foureau, à la direction du Pensionnat national des demoiselles en 1880, voit s'inaugurer en Haïti une ère nouvelle d'intérêt et de «bonne formation» visant les jeunes filles de milieux modestes et populaires. Née à l'Arcahaie le 2 août 1842, Argentine Bellegarde se retrouve très tôt, à Port-au-Prince, élève brillante à l'Institution de Mme Isidore Boisrond où, se laissant déjà aller à «ses précoces dispositions pour l'enseignement, elle servait de monitrice à ses camarades des divisions inférieures». Verra-t-elle dans la prise en charge du Pensionnat national des demoiselles le terrain tant attendu pour se mettre au service des intérêts du peuple? Cette jeune femme dont l'intégrité et l'honnêteté, lors de la lutte déchaînée qui opposera le Parti libéral et le Parti national par exemple, ne manqueront pas de se révolter contre l'abus fait à un peuple à qui «pour détourner sa colère de ses ennemis véritables», on n'hésite pas à servir en manteau rouge le plat du préjugé de couleur, n'aura alors de cesse de travailler au relèvement du niveau moral de ses élèves, s'assurant de ce que chaque future mère de famille formée soit «un progrès accompli dans le sens de l'émancipation populaire». Pour la pleine réussite de cette action, Argentine Bellegarde se mettra à la tâche honorable de réunir dans l'association, Union et Charité, les anciennes élèves du Pensionnat et d'autres institutions similaires qui se verront l'obligation d'«établir des habitudes de bonne camaraderie et la plus fraternelle amitié entre ses membres, constituer une caisse de réserve destinée à secourir les plus infortunées ou à faire leurs frais de trousseaux de mariage» mais à qui incombera également l'ingrate tâche policière de «ramener dans les voies de l'honneur celles qui s'en étaient écartées». (cf: Texte des statuts de l'association). Si cette militante convaincue et passionnée de l'Éducation populaire, imprégnée par surcroît de l'idée d'équivalence des sexes réunissait les éléments de base et les qualités indispensables d'un échange fructueux et salutaire avec ses élèves, par contre, vouée aux valeurs morales et culturelles de son époque, elle mettra toute la volonté qui également semble avoir été l'un de ses traits, à s'acharner à les remodeler et malheureusement à leur inculquer sinon un rejet, du moins, un certain dédain de leur milieu. Sur son habitation de Duvivier où, avec ses seules ressources, elle fondera une école dans le but d'étendre son action «à la transformation morale et sociale des masses rurales (que) les croyances et pratiques religieuses (maintenaient) encore dans un état honteux de misère matérielle et d'infirmité morale», elle ne laissera de rester sourde à ces accents propres et pathétiques d'un terroir et, quoique avec des procédés bien plus doux, se posera sans le savoir, en précurseur de la persécution culturelle qui, dans les années 40, verra son apogée dans la célèbre campagne «Rejete». «Chaque nuit, la brise lui apportait l'écho des tambours et les voix animées des chanteuses, et elle se représentait par l'imagination les danses orgiaques où ces laboureurs perdaient la vigueur de leur corps et leur ardeur au travail. Sans rien dire, elle fit bâtir une tonnelle, appela un «violonier», un accordéoniste, un joueur de basse et la meilleure reine chanterelle du voisinage. Et les bals commencèrent. Peu à peu, les hommes désertèrent les danses plus ou moins vaudouesques, le violon avait détroné le tambour conique, et la chanson paysanne , enrichie dans son rythme et dans ses thèmes, put se déployer avec plus d'aisance.» Une «travailleuse de la terre» assidue, aura été également, toute sa vie, nous rapporte Dantès Bellegarde, cette grande éducatrice, passionnée des arbres et des champs dont elle prenait personnellement soin. Défendant, la première, l'idée que le cocotier pourrait devenir l'une des grandes cultures d'exportation du pays, elle fit établir la cocoteraie de Truitier dont elle s'occupera assidûment jusqu'à sa mort à l'âge de 59 ans. Elle aura aussi l'audace peu féminine à l'époque (et aujourd'hui encore) de transformer son domaine de Duvivier en une importante habitation sucrière en y installant une usine dont la direction fut confiée à l'ingénieur Jardine. |
14 mai 2017
Portrait de Argentine Bellegarde-Foureau
Argentine Bellegarde-Foureau (1842-1901)
12 mai 2017
ROSA PARKS : QUI EST-ELLE?
Rosa Louise McCauley
Parks, dite Rosa Parks, née le 4 Alabama, est une femme afro-américaine qui devint une figure emblématique de la lutte contre la ségrégation raciale aux États-Unis, ce qui lui valut le surnom de « mère du mouvement
des droits civiques » de la part du Congrès américain. Rosa Parks a lutté par la suite contre la ségrégation
raciale avec Martin
Luther King.
Le 1er décembre 1955, cette jeune
couturière a participé
au basculement de l’histoire des États-Unis en refusant
de céder sa place à un Blanc dans un bus de Montgomery (Alabama). À cette
époque, l’apartheid à l’américaine réprime mais l’apartheid à l’américaine
s’effrite.
«Elle s’est assise
pour que nous puissions nous lever. Paradoxalement, son emprisonnement ouvrit
les portes de notre longue marche vers la liberté. » Jesse Jackson. Le 1er décembre 1955, à Montgomery, en Alabama,
dans le Sud profond, Rosa Parks, couturière de quarante-deux ans, s’est, en
effet, assise. Elle a, plus exactement, refusé de se lever pour céder la place
à un Blanc. Voici le témoignage qu’elle en a livré : « D’abord, j’avais travaillé dur toute la
journée. J’étais vraiment fatiguée après cette journée de travail. Mon travail,
c’est de fabriquer les vêtements que portent les Blancs. Ça ne m’est pas venu
comme ça à l’esprit, mais c’est ce que je voulais savoir : quand et comment pourrait-on affirmer nos droits en tant qu’êtres
humains ? Ce qui s’est passé, c’est que le chauffeur m’a demandé quelque chose
et que je n’ai pas eu envie de lui obéir. Il a appelé un policier et j’ai été
arrêtée et emprisonnée. »
Ségrégation
inconstitutionnelle
L’apartheid à
l’américaine réprime mais l’apartheid à l’américaine s’effrite. En mai 1954,
dans l’arrêt Brown vs Board of Education, la Cour suprême a déclaré
inconstitutionnelle la ségrégation raciale dans l’éducation. Le Sud raciste
résiste, évidemment, tandis que le pouvoir fédéral regarde ailleurs, pour
l’instant.
Rosa Parks, née en
1913 à Tuskegge, à cinquante kilomètres de Montgomery, ne fut pas la première à
« désobéir ». En 1944, Jackie Robinson, le premier
joueur noir de la ligue professionnelle de base-ball, avait refusé d’être
cantonné dans la partie du bus réservée aux « non-Blancs ». Traduit devant une cour martiale, il
fut acquitté. À Montgomery même, en mars 1955, une adolescente de quinze ans,
Claudette Colvin, outrepasse l’interdit raciste. Mais c’est l’acte d’une
couturière anonyme qui sert de déclencheur et de catalyseur. Dès le lendemain
de son emprisonnement, les Noirs boycottent la compagnie de bus. Les
différentes associations et églises se fédèrent au sein du Mouvement pour le
progrès de Montgomery. Elles placent à sa tête un pasteur de vingt-sept
ans venu d’Atlanta, Martin Luther King. Le mouvement formule trois revendications
immédiates : la liberté pour les Noirs comme pour les
Blancs de s’asseoir où ils veulent dans les autobus ; la courtoisie des chauffeurs à l’égard de tout le monde ; l’embauche de chauffeurs noirs.
KKK
Le Ku Klux Klan se
démène comme jamais pour endiguer la vague montante du mouvement des droits
civiques mais, le 4 juin 1956, la Cour fédérale de district
condamne les règles ségrégationnistes en vigueur dans les transports. Le maire
de Montgomery se tourne vers la Cour suprême. Le 13 novembre, la plus haute juridiction du pays confirme l’inconstitutionnalité
de cette pratique ségrégationniste.
Rosa Parks a gagné.
D’une flammèche, elle a embrasé la poudre dormante des consciences. Le
mouvement des droits civiques est désormais sur son orbite. Dans son Histoire
populaire des États-Unis, l’historien américain Howard Zinn souligne que « Montgomery allait servir de modèle au vaste mouvement de protestation
qui secouerait le Sud pendant les dix années suivantes : rassemblements religieux pleins de ferveur, hymnes chrétiens adaptés
aux luttes, références à l’idéal américain trahi, engagement de non-violence,
volonté farouche de lutter jusqu’au sacrifice ».
Marche des
droits civiques
Cette « longue marche » prendra presque une décennie avant
d’atteindre sa destination, fera une étape décisive à Washington, en août 1963,
pour la grande marche des droits civiques et le discours de Martin Luther King
« I Have a Dream ». En 1964 et 1965, le président démocrate
Lyndon Johnson signe, respectivement, la loi sur les droits civiques puis la
loi sur le droit de vote. Quant à Rosa Parks, elle poursuivit son engagement,
travailla avec le représentant afro-américain du Michigan, John Convers. En
1987, elle créa le Rosa and Raymond Parks Institute for Self Development qui
organisait des visites en bus pour les jeunes générations en leur faisant
découvrir les sites importants du mouvement pour les droits civiques. En 1990,
Nelson Mandela, tout juste libéré de prison, lui rend visite à Detroit, où elle
a établi domicile.
C’est là qu’elle
décède le 24 octobre 2005. Dans tout le pays, les
drapeaux sont descendus à mi-mât. Sa dépouille reste exposée durant deux jours
dans la rotonde du Capitole pour un hommage public. À l’autre bout du Mall,
trône la statue géante d’Abraham Lincoln, le président qui abolit l’esclavage,
promesse d’une aube nouvelle pour les Noirs d’Amérique qu’il fallut encore un
siècle pour entrevoir.
De l’annonce de son
décès à son enterrement, les premières places des bus de Montgomery restèrent
vacantes. On y trouvait une photo
de Rosa entourée d’un ruban et cette inscription : « La société de bus RTA rend hommage à la
femme qui s’est tenue debout en restant assise. »
«L’arme de l’amour». En
1956, un reporter du New York Times
couvre l’une des réunions
de boycott.
Il est impressionné par le talent de tribun
de Martin Luther King
qu’il cite longuement : « Nous avons subi les humiliations ; nous
avons supporté les injures ; nous avons été maintenus dans la plus
profonde oppression.
Et nous avons décidé de nous dresser,
armés de la seule
protestation. C’est une
des grandes gloires de l’Amérique que
de garantir le
droit de protester. Même
si nous sommes arrêtés chaque jour, si
nous sommes
piétinés chaque jour, ne laissez jamais quelqu’un vous abaisser au point
de
vous forcer à le haïr. Nous devons user
de l’arme de l’amour. Nous devons
faire preuve de compassion et de compréhension envers
ceux qui nous détestent.
Nous devons réaliser que tant de gens ont appris à nous détester et qu’ils ne
sont finalement pas totalement responsables de la haine qu’ils nous portent.
Mais nous nous tenons au tournant de la vie
et c’est toujours l’aube d’un
nouveau jour. »
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