POURQUOI SE BATTENT-ILS POUR UN LAPIN?
Le citoyen qui suit le cours de l’histoire de son pays avec un esprit patriotique s’évertue à comprendre et analyser les faits ayant concouru à sa régression, sa stagnation ou son avancement. Par contre, on est dans une époque marquée par une grande désillusion des citoyens face au politique. Haïti n’étant pas exceptée, la gestion de la res publica représente le cadet des soucis des citoyens haïtiens. Se contentent-ils de commenter l’actualité politique du pays dans les périodes de grande effervescence politique comme l’élection présidentielle ou encore dans les moments de crise aiguë comme ce fut le cas pour la révolte ratée de juillet 2018 et des épisodes du pays lock en début 2019.
Les acteurs les plus importants sur la scène politique en Haïti accumulent les conneries. Dans chacun de leurs actes, il est facile de relever un grave déni des droits du peuple et des prescrits constitutionnels. Les balivernes et le persiflage prédominent sur la profondeur et la pertinence des idées. Les palabres répétitifs et lassants au Parlement qui devrait être, bien entendu, le lieu du débat argumenté par excellence, sont un exemple.
Face à leurs intérêts mesquins, les lettrés, les illettrés, les cons au superlatif prennent place dans un même panier au Parlement. Il ne serait pas exagérer d’affirmer que ces parlementaires opposent catégoriquement un refus systématique à tout ce qui est logique. Dans le sillage des évènements politiques en Haïti, une chose reste certaine : la résistance réflexive des adhérents d’un système rétrograde conduit à des confrontations regrettables. La conscience collective s’anéantit dans le flot des intérêts particuliers…, et des croyances de clan comme l’a souligné Gérard DALVIUS dans son ouvrage intitulé Pourquoi une Démocratie en Haïti?.
Étant dans une course effrénée en quête de l’argent, des gens qui devraient optimiser la capacité de négociation, de discussion se révèlent faiblement alphabétisés dans leurs anêries, aussi paradoxal que cela puisse paraître. Et l’individu lambda s’en fou royalement. Il est occupé à « faire de l’argent » juste pour survivre. Nos élites politiques et économiques se réjouissent du fait que le bas-peuple se résigne à s’occuper de ses petites affaires. Elles nous gardent à un niveau intellectuel infantile. Nos parlementaires, étant au service d’un système qui enlève les plus basiques de nos droits et de notre liberté, font des lois pour se protéger – lois relatives à l’immunité et à la pension – et pour protéger les autres élites… Grâce au lavage de cerveau médiatique, nos élites finissent par nous opposer contre nous-mêmes, et du coup nous empêchent de nous dessiller les yeux.
Le cas Lapin !
Force est de constater que nos élus n’ont qu’une préoccupation : les députés cherchent à tout prix de devenir sénateurs, nos sénateurs à devenir président, le cas échéant à être réélus. Et le président lui, à boucler son mandat et le transmettre à un membre de son clan. Pour s’assurer de leur réélection, nos parlementaires doivent maximiser un ensemble de moyens financiers. Lesquels moyens vont justement leur permettre de s’accaparer du pouvoir, soit en soudoyant des responsables de l’organisme électoral, soit en se servant des gangs armés pour le bourrage d’urnes et le sabotage pur et simple des joutes électorales, soit aussi pour marchander et acheter des votes de quelques citoyens-par-défaut. En effet, la formation d’un gouvernement représente pour ces parlementaires le moyen le plus sûr pour soutirer des millions du président de la république, du chef du gouvernement et des manitous du secteur privé des affaires qui ont toujours leurs intérêts dans la mise sur pied de chaque gouvernement, notamment pour s’assurer des exonérations fiscales et de juteux contrats. Et pour en arriver, ces hommes de loi sont prêts à s’entredéchirer. Témoignent cet état de fait les séances ratées pour le vote de la déclaration de politique générale de Jean Michel Lapin.
Malgré la présence de plusieurs ministres dans le gouvernement de Lapin, dont ce dernier lui-même, censurés par le vote d’une majorité de députés proches du pouvoir, ces mêmes députés et des sénateurs acquis à la cause du pouvoir n’attendent que la fameuse phrase « Ceux qui sont pour, levez la main » pour accorder la bénédiction à ces mêmes hommes de gouverner à nouveau le pays. Mais la question est de savoir si ces ministres vont, pour une fois, travailler dans l’intérêt de la nation, vont appliquer la politique du gouvernement ratifiée dans les deux chambres du Parlement ou du moins est-ce qu’ils se contenteront de faire leur petit jeu à savoir « financer des projets bidonds pour des parlementaires, passer des contrats gré à gré avec les rapaces de l’oligarchie marchande… »
Ils s’en foutent complètement de la misère de la population. Leur seul objectif du moment c'est de savoir quand aura lieu la séance qui consacrera Lapin et sa bande.
Alors qu'ils se battent espérant d'avoir la majeure portion du lapin, d'aucuns disent qu'ils ne l'auront même pas ce lapin.
Et le pays dans tout ça?
N’est-il pas évident que ces pratiques vont indubitablement conduire à la guerre de tous contre tous ? Ceux qui crèvent de faim quotidiennement, qui n’arrivent même pas à subvenir à leurs besoins primaires se montrent qu’ils sont prêts à tout, étant donné qu’ils n’ont que des couilles. Ils n’ont rien à perdre, et ont tout à gagner.
Dans Le vertige haïtien. Réflexions sur un pays en crise permanente, Rose Nesmy SAINT-LOUIS nous fait remarquer que la tradition politique veut que tout chef d'État haïtien ait son corps armé de brigands. Henri Christophe avait son Royal Dahomey peuplé de guerriers importés du Dahomey pour protéger son royaume et tyranniser les paysans. Faustin Soulouque avait ses zinglins. Fabre Nicolas Geffrard avait ses tirailleurs. François Duvalier avait ses macoutes, Jean-Claude Duvalier ses léopards ajoutés aux macoutes. Les gouvernements militaires de transition de l'après Duvalier avaient leurs attachés et le pouvoir aristidien s’appuyait sur ses chimè. Et si le corps de brigands des pouvoirs PHTK était des hommes en costard siégeant au Parlement…, outre d’autres bandi legal ?